Dans un article précédent je vous avais narré une partie de pêche durant laquelle j’avais raté lamentablement une 60 cm … Comme je suis un peu entêté, obstiné et passionné … je suis retourné en lieu, place et heure pour tenter d’en découdre avec celle qui m’avait roulé dans la farine deux ou trois jours plus tôt! J’avais rêvé de pouvoir revenir quelques instants en arrière pour rejouer la scène avec envie d’être meilleur! Et bien ce vœu a été exhaussé ce matin!
Arrivée à 7h00 sur cette même bordure, et avec un débit constant depuis un bon bout de temps, je caressais l’espoir, un peu naïvement, de retrouver ce poisson au même endroit. Après avoir traversé une frange de broussailles, j’ai pu constater, avec émoi, qu’ un poisson de même taille ondulait au même endroit et qu’il était accompagné … de son alter ego à ses côtés. Voir deux mémères de 60cm en attente dans la même veine d’eau est assez sympa pour un pêcheur à la mouche!
Il n’y a donc pas que les carpes qui sont routinières … les truites aussi!
Après avoir calmé un peu le pêcheur, toujours un peu fébrile face à une telle situation, j’ai sollicité mon neurone pour analyser la situation et ne pas commettre l’irréparable!
Ces deux belles ne se nourrissaient pas … cette information ne me plaçait pas dans une configuration optimum.
Par habitude (ce n’est jamais très bon!), j’ai tenté d’accrocher un gammare et d’assurer un posé délicat bien en amont.
Un passage, deux passages et aucune d’entre elles n’a daigné bouger. J’ai stoppé là les présentations et patienté un peu en plaçant dans le quart d’heure d’observation qui a suivit … tous mes espoirs!
Après quelques minutes de marbre … j’ai vu celle de gauche monter lentement en surface et aspirer goulument un insecte non identifié, percer le film avec la nageoire caudale et redescendre lentement se placer à côté de son bloc!
« Eureka » … Comme si une ampoule était venue éclaircir le dédale sombre dans lequel mes méninges étaient plongées. « Elles guettent la surface » me dis-je en rattrapant ma soie et en m’approchant à pas de velours de la surface de l’eau pour tenter d’identifier la silhouette flottante de ce qui avait pu provoquer cette montée inattendue.
De longues minutes se sont écoulées sans que je puisse apercevoir le moindre insecte dérivant. Seul un petit Trichoptère grisâtre se faisant malmené par l’onde, est passé à ma portée avec une aile distinctement détachée du reste de son corps et flottant au gré du vent.
Alors que j’étais en train de nouer sans grande conviction une imitation approchante, un deuxième gobage s’est produit au dessus des deux belles. Ce qui m’a échappé, c’est que la gobeuse n’était pas retournée se caler à sa place mais qu’elle s’était laissée dériver, un peu, après sa bouchée et que mon profil, pourtant réduit au maximum, ne lui avait pas vraiment plu!
La « totoche » entraîna sa consœur avec elle et je les vis s’enfoncer dans les couches plus profondes du lit mineur… Aïe!
C’est dur pour quelqu’un venant laver un affront après deux heures de voiture de prendre, à nouveau, un joli vent!
Est-ce la passion? La folie? La bêtise? Je ne sais pas comment l’expliquer mais j’ai décidé de rester au même endroit jusqu’à ce que l’une d’entre elle revienne!!!
… Deux heures plus tard, qu’elle ne fût ma surprise en constatant qu’un des deux poissons avait repris son poste de garde.
Pendant cette longue attente, j’avais mis au point une stratégie et fait le choix de tenter la « revenante » en nymphe à vue avec mon modèle fétiche, une imitation de larve plate. Celle-là même qu’elle avait aspiré quelques jours plus tôt et recraché aussitôt!
On ne change pas une équipe qui gagne…
Je savais bien que les quelques tentatives qui suivraient seraient mes dernières cartouches et qu’en cas de fuite, je n’aurais pas le courage de rester encore 2 heures planté! Quoique…?
Bref, une fois la fameuse imitation de nymphe plate nouée, je lançais une première fois un peu trop à droite et en dehors de son champ d’action.
Un deuxième lancé plus à gauche et en amont allait me gratifier d’un petit rond dans l’eau, que j’ai jugé apte à dériver dans la bonne veine d’eau.
« Attention »… me dis-je, « cette truite devrait bouger ses écailles de manière imminente! »
Oui, ni une ni deux, la belle a décidé d’intercepter la mouche dans sa dérive. C’était, comme à chaque fois, un moment magique. Ferrage assuré et sensation de contact lourd dans la canne. La truite, trahie, a cherché à se défaire de cette mouche déguisée en secouant lentement mais lourdement sa grosse tête. C’est dans ces moments- là, lorsque le poisson se tortille que l’on peut voir les couleurs cuivrées de sa livrée et le blanc de son ventre.
Avant que la mémère ne réalise le piège, je me suis empressé de la coincer dans une zone plus calme. Le combat n’a pas été dantesque mais je voulais plus que tout l’immortaliser sur la pellicule photo! Bien m’en a pris, car la nymphe s’est détachée de la gueule du poisson à peine rentrée dans l’épuisette! J’ai eu chaud!
Bon d’accord ma démarche a relevé du harcèlement mais je ne suis qu’un pauvre pêcheur! Et puis, je sais maintenant qu’un autre poisson de taille similaire et situé au même endroit n’a pas encore goûté ma nymphe plate…