J’avais écrit dernièrement, un petit article sur les péripéties d’une partie de pêche en barque, dont mon compagnon de pêche se souvient encore !
Voici un deuxième récit avec pour décor, le même moyen de locomotion fluviale, mais cette fois-ci, avec un parfum de souvenirs d’enfant moins piquant …
Mes parents avaient des amis qui possédaient un petit chalet sur les bords de la Saône. Un jour, ils m’annonçaient que ces derniers les avaient invités à passer la fin de semaine en leur compagnie et que ce serait l’occasion d’une partie de pêche en … barque.
Pour un enfant du centre de la France, mettre les pieds sur un rafiot … ne serait-ce qu’une barque en bois, c’était un peu comme … marcher sur la Lune !
La semaine qui précédait « l’évènement », je participais assidûment aux préparatifs matériels et à la cuisson du blé, de l’orge perlé sur la gazinière de la cuisine, en tant que premier assistant. Mon père, d’une rigueur implacable et en parfait élève, appliquait à la lettre les consignes prodiguées par son collègue, expert en la matière.
Il y avait un peu de « PAGNOL » dans ces scènes et même si elles étaient décalées de celles de l’auteur à peu près d’une vie… il y avait la même magie. Au matériel de l’époque, se mêlaient quelques éléments de la panoplie des grands-pères, amoureusement conservés. Ca sentait bon le panier en osier et les housses de cannes en lourd coton.
Je ne savais pas, alors, que ces souvenirs resteraient à jamais gravés dans ma mémoire et que, de ce week-end, allait surgir une passion incommensurable et vitale pour la pêche.
La première veillée sous l’avancée couverte du chalet, avec un cocker noir comme nouvel ami et les histoires locales de pêche passées en revue par le propriétaire des lieux avaient semé, sans bruit, les premières graines de mon rêve de pêche.
5h du matin : Le premier réveil de guerre pour moi, inhabituel mais effectué sans peine avec pour apothéose la check-list du briefing de départ organisée de main de maître par le copain de mon père. « Il est l’heure … ». Le glas avait sonné.
Ce jour là, pour notre plus grand bonheur, tout s’enchaîna comme dans un rêve. La découverte et le premier pas sur cette vieille barque en bois couleur nénuphar, possédant un vivier en son milieu sous la brume des bords de Saône, annonçant une journée magnifique, resteront ancrés en moi.
Le copain de mon père avait installé les rames et rejoint dans un petit bruit de crissements répétés la passée entretenue de longue date. Il avait, en grand Capitaine, orienté la proue du bateau sur le cloché du village voisin, fait glisser doucement l’ancre « avant », laissé dériver quelques mètres, ordonné à mon père de lâcher l’ancre « arrière » ici et … « maintenant » !
Ce rituel, presque religieux, de notre installation m’avait impressionné. Notre « mentor » qui assurément n’avait pas exagéré ses propos de la veille, avait une solide expérience de la tâche. Sa gentillesse et ses conseils nous avaient permis d’être équipés, longues cannes en mains, dans les temps.
Les grains de blé qui tombaient en pluie sur la surface bien en amont du coup, crépitaient à intervalles réguliers.
Le maître de cérémonie avait déclaré « ouverte » la partie de pêche !
Les premières « passées » nous informaient d’une dérive parfaite. Les grandes plumes en oie qui nous servaient de flotteurs, équilibrées à la perfection, n’ont pas mis longtemps à plonger une fois, deux fois puis sans limite vers le fond. Lorsque ces touches ensorcelantes étaient suivies de ferrages doux mais certains, nous avions, mon père et moi, le bonheur de sentir de monstrueuses brèmes et de belles « rousses » se débattre à 5 m sous l’embarcation!
Les batailles et les sensations qui en découlaient sont restées, je crois, dans ma mémoire musculaire.
L’expérience aidant, euphoriques, nous commentions chacun notre tour, en fonction de la physionomie de la touche, le type de poisson qui avait goûté notre blé et pronostiquions dans des onomatopées d’admiration la taille des malheureux !
Nous sommes revenus quelques fois sans jamais nous lasser.
Le rêve de la pêche est un gros « millefeuille » d’images. Il a la saveur des émotions que l’on a su y glisser au fil du temps … Ces parties de pêche en barque sur la Saône font partie des ingrédients de base de ma recette du bonheur.