Pour moi, qui suis un peu sauvage… et fier de l’être, l’acte idéal de pêche à la mouche se déroule toujours dans un cadre qui me ressemble. C’est à dire perdu, le plus loin possible des accès voitures, si possible avec un effort physique à la clef de manière à ce qu’il soit sélectif et donc peu pratiqué! Dans ce cadre là, je me retrouve.
Mais est-ce l’age qui avance et qui opère … Sont-ce l’amour et la passion des sujets à nageoires encore plus forts que le gène « du sauvage » marqué sur l’hélice ADN de mes chromosomes, il m’est arrivé ces deux dernières années de faire des entorses à mon règlement, de trahir ma religion, de mettre un pied en enfer!
Oui, il m’est arrivé d’oser pêcher au cœur des habitations, sous les fenêtres et les balcons! Il a fallu que je prenne fort sur moi. Il a fallu que je me transcende, que je me surpasse, que je me sublime.
Au départ, j’exerçais mon méfait au lever du jour et montais dans les gorges au premier claquement de portière de voiture, aux premiers volets qui grinçaient. Puis, le cheptel halieutique était tel que petit à petit, je me suis mis à ignorer la circulation vrombissante, les critiques passagères beuglées des portières de voitures des conducteurs analphabètes qui avaient encore quelques grammes d’alcool en trop et quelques onomatopées en reste du match de foot de la veille. Je me suis vu doucement m’adapter à déployer la soie entre deux passages de camions, j’ai pris l’habitude de garder un œil sur une belle truite qui « nymphait » et l’autre sur le vieux qui pour la quatrième fois s’approchait dangereusement de moi avec la baguette sous le bras en me lançant le traditionnel « Alors… Ça mord? »
Je suis devenu maître dans l’art d’éviter les excréments canins avec les semelles et avec la soie. J’ai appris à me cacher derrière les feux tricolores ou les piles des lampadaires.
Même si j’ai suspendu quelques mouches sur les garde-corps des balcons, les descentes d’eau pluviale et claqué mon bas de ligne sur les carreaux d’une salle de classe de maternelle à portée de lancer, j’ai pris beaucoup de beaux poissons. J’y ai pêché du lever au coucher du soleil sans me rendre compte de l’agitation qui rythmait la journée et en ne gardant en mémoire que les déplacements alimentaires des poissons que les passants ne voyaient même pas!
Le street-fishing m’aurait-il permis de devenir meilleur? La pêche en ville comme une thérapie?
Encore un très bel article! Oui, je suis bien d’accord avec Cathy le Ray qui écrit dans un commentaire précedant: « Quelle belle plume vous avez, Monsieur le pêcheur à la mouche! »