Hier, pour fêter l’arrivée de l’été, je suis allé faire un petit tour sur les hauteurs des monts du Forez. En poste à 20h, je savoure, puisque c’est la fête de la musique, le concert des fraîches eaux en toile de fond et les gazouillis non identifiés des oiseaux qui m’ accompagnent durant ce coup du soir.
Seul au bord de l’eau au fond des bois … le grand bonheur! Le temps s’est arrêté. Assis sur un bloc de granit que la rivière lèche depuis des milliers d’années (c’est dur le granit!), j’observe. Quelques mouches de mai décollent, retombent en remontant l’onde pour « semer » les grappes d’œufs sur les bandes de sable entre les cailloux. Ces dernières ne sont pas inquiétées par les truites qui comme d’habitude, par ici, boudent les élégants imagos. La mouche de mai forézienne sentirait-elle la transpiration?
Je sais, par expérience, qu’il ne faut pas attendre les gobages sur ce type de cours d’eau, mais qu’il faut aller les provoquer. Je noue donc une imitation de trichoptère en pardo et en oreille de chevreuil au corps noir et la première montée me surprend déjà! Un premier raté! Bien Laurent!
Je continue à inspecter cette belle bordure en prenant garde de ne pas laisser le « Tricho » sur les branches avoisinantes … et au deuxième essai, nouvelle attaque en règle. Mais cette fois, la fario est pendue: Petite truite du massif centrale mais combative et de toute beauté. C’est vrai que dans cette région les truites de 6 ans ont le gabarit d’un N+2 des rivières calcaires du Jura.
N’empêche que tout petits poissons qu’ils sont, ils n’ont pas leur pareil pour vous recadrer à la première erreur commise! Je vais en faire l’expérience juste après d’ailleurs. Ayant vu un gobage sur une bordure en queue d’un petit plat, juste avant un petit radier, je veux faire l’économie de traverser la rivière pour avoir un angle différent et attaquer la truite sans faire draguer la mouche … mais ma fainéantise sera sévèrement sanctionnée. La soie happée par le début du courant fera bouger l’imitation anormalement et le poisson ira se caler! Au suivant! Comme c’est la fête de la musique, on va dire que j’ai pris une tomate!
Changement de tronçon, pour aller noyer ma honte ailleurs…
La soirée avançant, je décide de tenter mes adversaires au sein même des courants et quelques farios compatissantes font les frais de ce « tricho » magique mais que je localise de moins en moins bien sur cette partie de rivière emmitouflée dans la ripisylve. Toutes calibrées au quart de mètre, ces truites regagnent leur élément avec grande vigueur.
Arrivé sur le dernier secteur de cette soirée, le premier quartier de lune se dessinant bien clairement dans le ciel maintenant dégagé, je me cale contre un gros bloc et, caché, la tête dans des branches d’aulnes glutineux, je profite de ces derniers moments de lumière et aspire une grande bouffée d’air pur. Le lit de la rivière se rétrécissant à cet endroit, le fond est donc plus important. Au même moment, à quelques mètres de mes waders, un joli remous vient de se former juste avant le granit affleurant. Qui ose donc venir chiper en surface un insecte dans mon rayon d’action? Un ombre? Je noue une imitation un peu plus conséquente pour la suivre plus facilement des yeux et suite à un lancer compliqué et un arraché in extremis je ferre une masse un peu plus lourde que les précédentes. Oui, c’est un bel ombre. Un ombre du terroir, filiforme et bleu acier. Après les clichés de rigueur, il retourne sans souci dans les veines d’eau profonde pour se mettre à l’abri. Ce soir, ce n’était pas la fête pour tout le monde!