Dans la série « Je n’ai pas de chance et cela continue… » je n’ai encore pas pu pêcher sur la journée que je m’étais réservée!

La veille,  voyant les orages et le ciel noir arrivés à grande vitesse, j’avais gardé l’espoir que les vidanges du diable épargneraient la zone que je convoitais de pêcher le lendemain… Mais le matin en arrivant sur les lieux, et malgré un débit qui aurait pu tout de même me permettre d’œuvrer, je me suis vite rendu à l’évidence. La couleur de l’eau se rapprochant de celle de la terre, il allait être impossible d’exercer comme je le souhaitais.

Tant pis! J’ai décidé de rester sur les bordures et de passer ma journée à observer. Et au mois de Mai sur les rives de la Dordogne, on en prend plein les yeux.

Les fleurs des prés sont magnifiques. Il en va de même pour les insectes terrestres qui leur sont souvent associés et la chasse photographique est alors passionnante.

Que j’aime ces journées ou je ne fais que regarder, en ne me déplaçant que très peu.

Contrairement à certains, je pense que le déplacement tue les rencontres! J’ai donc posé mon postérieur sur un arbre immergé, les jambes dans l’eau et j’ai patienté en regardant l’eau passer. Sans tarder j’ai pu voir arriver un splendide martin pêcheur face à moi longeant la berge et qui, découvrant la présence d’un élément habituellement absent du paysage, a rectifié au dernier moment son plan de vol pour éviter la collision! J’aurai droit également quelques instants plus tard à son retour et son « tiuit » appuyé en guise de klaxon.

Puis mes yeux se sont portés sur un groupe d’hirondelles des rivages qui est venu se donner en spectacle juste en face de mon poste d’observation. Il y avait assurément une éclosion et ces demoiselles m’ont fait une démonstration de chasse en vol au beau milieu du lit de la rivière. Ascensions, voltes-faces, looping, rase-mottes…Elles ont fait la totale en venant, pour le clou du spectacle, chiper un subimago ou deux, jaune poussin, à peine décollés de la surface et juste sous mon nez! Une habileté animale qui a laissé le spectateur tour à tour pantois et admiratif.

Puis les larves ont stoppé leur mutation et les acrobates leur démonstration.

Cette fois-ci, c’est dans mes pieds que  mon regard allait se porter.L’arbre sur lequel j’étais assis avait formé un mini barrage. Le courant affaiblit à cet endroit accumulait quelques fleurs d’acacias tombées des arbres de mon couvert végétal, quelques bois flottés et bien entendu un bon nombre de « spents », d’exuvies témoignant des éclosions de la veille. On aurait dit une mini laisse de mer, grouillant de vie et de cadavres. Moi, j’aime bien « tatouiller » dans ces flaques et prélever des échantillons d’insectes pour m’imprégner des différentes tonalités de leurs corps, des tailles de « spents » etc. C’est passionnant!

Alors que j’étais un pleine cueillette et dans le calme le plus absolu, un gros « pataplouf » me fit sursauter sur ma branche!

Après m’être retourné, à deux mètres derrière moi se tenait une loutre dont la tête dépassait de l’eau telle un phoque en mer Baltique! Juste le temps de grogner un peu pour me dire que je lui avais fait la peur de sa vie et disparaître aussi vite qu’elle m’est apparue! J’étais stupéfait. Un autre plouf encore plus près sur ma gauche et un autre remous pratiquement dans mes jambes. Je prends l’appareil photo dans ma poche et sors délicatement de l’eau pensant que j’étais là sur son territoire de chasse mais je ne reverrai plus l’emblématique mustélidé…

Aurait-elle pris mes jambes de waders marron pour des branches immergées et se serait-elle rendu compte un peu tard de la supercherie?

Cette rencontre totalement inattendue m’a perturbé pendant un sacré moment! Voir la Loutre, en pleine matinée qui plus est, est une bénédiction, un cadeau du ciel, une récompense suprême pour un observateur pugnace et assidu!

Je l’ai cherchée parfois dans les gorges de l’Allier mais ne l’ai jamais vue. Aujourd’hui, c’est elle qui est venue à moi! La discrétion permet toujours des rencontres hallucinantes.

Voici donc une journée qui aurait pu se ranger sous le signe noir de la malchance et que la patience a fait virer au bleu…Je n’ai pas pu pêcher mais aujourd’hui j’ai été touché par la grâce!