Les premiers chauds rayons du soleil de la veille, m’ont donné, bien entendu, envie de glisser les cuissardes dans le coffre de la voiture pour m’évader! Après les bons paquets de neige tombés sur les sommets du massif central cet hiver, j’ai voulu  reprendre contact avec la rivière. Certes , ce type de cours d’eau ne livre pas sa substantifique moelle bien avant la mi-mai, mais il fallait bien faire un point…ne serait-ce que pour voir si elle se trouvait toujours là!

Ce jour là, une belle petite gelée a surpris les violettes dans leur sommeil et blanchi le reste de la végétation. Mais les ombres portées, diminuant progressivement, ont cédé la place  à une belle couleur dorée qui s’est,  méthodiquement, emparée de la rivière.

Arrivé tôt pour m’imprégner du calme de ses rives,  je me suis adossé  à un aulne encore tout dénudé, et  j’ai assisté aux prémices du  trafic aérien des insectes,allant et venant  de manière apparemment désordonnée, et coupant en tranches fines les faisceaux lumineux tamisés par les pins sylvestres  voisins.

L’herbe blanche  a cédé inexorablement la place au tapis d’un vert tendre … la journée s’annonçait magnifique!

L’Ance du nord a roulé des eaux ambres. Les premiers cailloux, soulevés pour voir l’état de leurs petits habitants, m’ont rappelé que, sur les hauteurs du bassin versant, la neige domine encore et qu’elle diffuse une eau encore très froide … peu propice à ouvrir l’appétit  des poissons… Mais je le savais et j’avais signé!

Il m’a semblé plus judicieux de placer la journée, sous le signe de l’observation … ce qui ne m’a pas déplu!  Trop souvent pris par l’action « pêche » j’ai du mal à explorer de nouvelles zones. Je me suis donc mis à arpenter le petit vallon où coule cette rivière de grande classe. Permettant de pratiquer toutes les facettes de la pêche à la mouche, elle requiert  des changements de bas de ligne très fréquents pour pêcher en sèche sous les branches, en noyée en début de fosses, à la nymphe dans les courants. Elle autorise même, parfois, de pêcher,  par conditions exceptionnelles d’éclairage, quelques ombres ou farios à vue …mais là il faut une bonne paire d’yeux et un peu d’imagination!

Malgré quelques éclosions « débutantes » de plécoptères et d’éphémères entre 12h et 14h (Certains sujets capturés feront l’objet d’une expertise par l’association OPIE Benthos pour une identification précise), je n’ai pas vu la queue du moindre poisson! Rien … nada … closed!

J’en ai profité tout de même pour faire la connaissance de « Nymphalis Antiopa », vulgairement nommé « Le Morio », que Linné avait également repéré … mais il y a 257 ans!

J’ai également pu assister à la fabrication d’un des nids par le mâle « Troglodyte mignon », dans une anfractuosité de la berge, à seulement 80 cm du niveau de l’eau. Est-il réellement bien assuré? Et dire que sa femelle sélectionnera dans une quinzaine de jours le nid le plus douillet parmi les 6 ou 7 qu’il aura construit … Moi, plus tard, je ne voudrais pas être un Troglodyte mignon!

Il faudra donc attendre encore pour que ce bijou des monts du Forez ne dévoile toute sa splendeur. Il faudra revenir,  pour humer le parfum suave du narcisse des poètes et faire prendre des risques inconsidérés à sa mouche  en rasant les feuilles des arbres … unique stratégie pour tromper Dame fario et sortir les plus malines de dessous les branches les plus basses … et pour les y retrouver … l’année suivante!