Réflexion sur une fabrique de mouches disparue …la Romani

Je me permets de rebondir sur un article paru dans le magazine auvergnat « Volcan » n°73 d’août- septembre 2014. Ce bulletin n’étant distribué qu’aux habitants de seulement  vingt et une communes jouxtant les départements de l’Ardèche et de la Haute-Loire, il est forcément passé inaperçu pour beaucoup d’entre vous.

Alors j’ai pensé qu’il serait bien de le faire connaître à d’autres. Madame Bernadette MOURGUES, relate, ici, l’histoire d’une petite entreprise de fabrication de mouches de pêche basée sur la commune de Langogne.

Nul besoin de plagier l’article, je vous le laisse lire et reprends la main plus bas.


 

Histoire
Une boutique artisanale disparue à Langogne : La Romani
Les romanichels ont depuis toujours une réputation hors pair pour fabriquer des mouches artificielles servant à la pêche en rivière. C’est ce qui explique le nom de la petite structure «ROMANI» attachée à l’histoire locale de 1932 à 1976.
En 1975, Monsieur Louis Bouyon a atteint 40 ans d’activité dans cette fabrique. Ce n’est guère après son décès, que les portes se sont fermées laissant derrière un savoir-faire extraordinaire et sept ouvrières désenchantées.
Qui se souvient aujourd’hui de cette société créée à Langogne en 1932 avec Monsieur Fanger – au 1er étage – Avenue Foch ? 

  photo1     M. Louis Bouyon, né en 1906
Pour les non-spécialistes de la pêche, rappelons que les amateurs de ce sport utilisent des leurres ou des cuillères fabriquées aujourd’hui industriellement. Les mouches sorties de «Romani» ressemblaient aux véritables insectes : diptères (mouches ordinaires), éphémères, trichoptères, fourmis…
François Bouyon-fils, même s’il n’a jamais exercé la profession, possède une belle collection de mouches qu’il a su répertorier et nous présenter avec l’aide d’Annie Fraisse, ancienne ouvrière : «Là, les mouches de mai qui sont les plus courantes. Elles sont fabriquées avec trois plumes, le plus souvent jaune-citron, ici, les mouches «plombées» agrémentées de petites hélices en métal doré, les mouches à saumon, plus grosses ou les «palmer» tricolores avec de nombreuses petites plumes…

Photo2   Collection de mouches
Dans les années 60, Monsieur Louis Bouyon, seul aux commandes, fera tourner sa boutique avec ses sept ouvrières : Berthe Dubois, spécialiste des mouches à saumon, Paulette Bonhomme, Annie Fraisse-Cheney, Marie-Rose Coudeyre, Jacqueline Bouyon-Jourdan, Maryse Arnaud et Paulette Reboul, entre autres.
Du travail de petite main, du travail méticuleux où des produits précieux sont utilisés :
– soie, laine, plumes, fourrure de taupe qui adhère à la soie, queue de veau blanc…
– de belles plumes pour la flottaison (mouche sèche) : pintade, coq, faisan, bécasse, étourneau ;
– les autres insectes sans plumes sont alourdis pour couler (mouches noyées)…
Les ouvrières trient la plume adaptée à la taille du hameçon, la teintent avec des colorants anilinés et la fixent solidement au hameçon choisi. Seul Monsieur Bouyon utilise parfois des produits précieux : chlorure d’or, nitrate d’argent pour traiter le fil de fer.
Certains insectes n’ont pas d’ailes. Il faut alors modeler le corps avec des fils de soie, très précautionneusement pour respecter la forme exacte.
Tout cela était codifié, les employées expertes, étaient parfaitement aptes à reproduire à l’identique ces magnifiques pièces vouées à disparaître dans la bouche d’une truite «fario», d’une ablette ou d’un saumon.
Si une dextérité à toute épreuve était indispensable pour avoir la maîtrise et devenir «monteuse de mouches», il ne fallait pas beaucoup de place car l’outillage était rudimentaire :
– un petit étau fabriqué par M.Bouyon lui-même qui servait à serrer l’hameçon durant le travail ;
– une paire de petits ciseaux pointus et une pince fine ;
Les hameçons étaient choisis en fonction du leurre à fabriquer : N°22 pour les fourmis, N°16 pour les mouches de mai…   

photo3     Outillage

Photo4      Fils de soie
La production de ce petit atelier avait un marché local : les établissements Reboul, Basson, puis Buisson, mais des colis partaient dans toute la France et même au Canada (les mouches à saumon, en particulier). La Maison Pezon et Michel, spécialiste de la pêche (encore aujourd’hui) commandait régulièrement ses mouches chez Romani !
Aujourd’hui, ce travail d’artiste n’est qu’un lointain souvenir. La plupart des leurres utilisés par les pêcheurs ont la couleur, la forme approximative mais le matériel utilisé n’a plus rien à voir avec ces fils d’or ou d’argent, ces matières nobles et rares. Pourtant les poissons, il est vrai un peu myopes, se laissent encore prendre, paraît-il !
François Bouyon est pêcheur et regrette cette période où «il suffisait d’une heure pour avoir un plat d’écrevisses ou de truites sur le Donozeau, la Méjeanne, près de St-Paul-de-Tartas ou le ruisseau descendant de Pradelles! Aujourd’hui, plus besoin de mouches, il n’y a plus rien !».
Pourtant, les taquineurs de truites, puristes aguerris en matière de leurres cherchent toujours «la perle rare» car les mouches artisanales sont devenues «collector». Oui, il y a un marché à nouveau «in» pour ces produits un temps relégués aux oubliettes. De nombreux sites Internet proposent aujourd’hui des mouches fabriquées manuellement qui recueillent un certain succès, car les pêcheurs aiment la nature et sont lassés des produits «made in China». Pourquoi ne pas créer près du Lac de Naussac une petite unité de fabrique de mouches ? En attendant, des ateliers pour enfants sont organisés chaque vendredi (17h30) à «la Maison de la pêche» Il suffirait de passer à la vitesse supérieure !
Un grand merci à François Bouyon et Annie Fraisse qui ont bien voulu remonter dans leurs souvenirs après un petit coup de «vendanges tardives». Oui, ce n’est un secret pour personne, Monsieur Bouyon, est aussi un fin connaisseur en œnologie.

Photo5   Annie Fraisse et François Bouyon

 


 

 

Voilà. J’ai trouvé cet article bien sympathique. Pêcheur à la mouche et vivant depuis 50 ans en Rhône-Alpes, je ne savais pas qu’une telle entreprise avait œuvré près d’un demi siècle au développement de notre activité favorite, si près de mon domicile.

Si j’étais né, 60 ans plus tôt, peut-être aurais-je croisé Monsieur BOUYON  et ,peut-être, aurions-nous été associés … Qui sait?

En attendant, que l’auteur se rassure, « De plumes et d’acier » a vu le jour cette année … certes à 150 km du Lac de Naussac … Mais tout de même!

Merci à Madame MOURGUES pour avoir rédigé cet article et pour avoir pressenti, presque le jour même de son édition, que quelqu’un allait reprendre le flambeau de la création de mouches artificielles dans la région …

 

NB; Que Madame Bernadette MOURGUES et  Monsieur Gilbert LEFEBVRE soient ici remerciés pour m’avoir autorisé à reprendre leur article. Pour recevoir cette revue, adressez-vous à l’association « L.A.V.E » chemin du ruisseau 43420 Pradelles.

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